Tlemcen, grande capitale du Maghreb a vu succéder plusieurs civilisations sur ses terres: Romains, Omayyades, Idrissides, Almoravides, Almohades, Zianides, Mérinides, Espagnoles, Ottomans-Algériens, Français.
La genèse du tissu urbain de Tlemcen témoigne de sa grandeur, une ville de tolérance, cosmopolite, commerçante, industrieuse, intellectuelle.., L'architecture et l'organisation urbaine sont le reflet de la prospérité d'une Médina, car bâtir est avant tout un art. Dans les ruelles de la Médina de Tlemcen, on ne peut qu'imaginer l’uniformité des méthodes et des moyens utilisés, ces constructions qui apparaissent aujourd'hui "ordinaires" ont été assurément destinées pour durer et devenir universelles conformément à l'ancien art lorsqu'on envisage les formes de l'architecture.
Autrefois, l'ancienne Médina de Tlemcen était soumise à un code bien précis, un savoir-vivre et des rapports étaient respectés entre riverains mais aussi entre étrangers qui pénétraient dans un Derb. Un arc à l'entrée d'une ruelle signifiait que l'artère n'était pas commerçante et qu'il s'agit une zone résidentielle, si l'arc prenait naissance à la base c'est qu'il s'agissait d'une impasse. Il fallait déchiffrer le sens des symboles car certains hiéroglyphes indiquait la direction qu'il fallait prendre pour se rendre aux demeures, aux Rahba (placette), et même au centre ville. D'autres symboles indiquaient le nombre de ruelles dans chaque noyau résidentiel.
Intéressant code dans cette sqiffa un passage privé
( courbée) et l'autre au fond publique ( carré)
ce qui veut dire une entrée à sens unique
du côté supérieur
Dare El Azzouni à droite
Lorsque Youcef Ibn Tachfine Al Mourabiti a fondé Taghrart, une ville
surélevée et dominante, elle a vite évolué d'une cité destinée aux
élites Almoravides vers une ville commerçante et administrative au point
oú sa grande sœur Agadir s'effaça du paysage de Tlemcen après la mise
en place des mosquée et des quartiers: Bâb Zir, Sid El Djabbar (un Saint
guérisseur et rebouteur de Tlemcen. Il existe une expression qui est
dite pour toute personne qui souffre d'une fracture: "Rouh Y'jabbrouke"
en référence à ce saint spécialisé dans les fractures osseuses, et les
luxations), Derb Sensla, Derb Naidja, Derb beni Djemla, Djamâa Chorfa,
Djamâa El Coran...La décision de Amir Al Mouslimine Youcef Ibn Tachfine
de construire Taghrart et d'attribuer un quartier à chaque tribu
Amazighe qui l'accompagnait s'explique par l'animosité existante entre
ces tribus c'est pour cette raison chaque quartier avait son propre
Ferrane, Hammam, mosquée(s)...
ka3 chkara ( Cul de sac)
Par exemple, Derb Sensala a été nommée ainsi en raison d'une chaîne
métallique que les habitants de ce quartier (majoritairement des
notables Almoravides) installaient à l'entrée au moment de la sieste
(14h-16h ) pour éviter que des animaux n'y pénètrent. C'est une ruelle
intéressante si on veut remonter le temps car presque toutes
les maisons
ont subi que peu de "déformations" dont quelques unes possèdent encore
des anciennes chambres pour les domestiques et les serviteurs.
La Médina de Tlemcen est un vrai labyrinthe avec ses quartiers bien
bâtis, divisés, orientés, éclairés et sécurisés. Pour ne pas se perdre
dans les "droubas" il fallait un code, des symboles à déchiffrer et à
suivre. Par exemple les arcs n'ont pas été faits pour agrémenter le
paysage. Leur rôle était d'avertir les passants qu'ils s'approchent
d'une zone résidentielle et de ce fait, il fallait faire attention à
leur comportement et l'itinéraire qu'ils allaient prendre. Pour les
étrangers, aucune chance d'y pénétrer sans être accompagnés par un
habitant c'est pour cette raison que certains historiens considéraient
ces signalisations judicieusement placées comme des portes secondaires.
Ici nous avons une entrée résidentielle et une Skiffa privée
Pour ne pas se tromper de direction des plaques de signalisations (ornements) étaient placées au niveau des angles des rues. On les appelle El Muqarnas=مقرنة comme vous pouvez le voir sur les photos attachées. Pour lire cette signalisation, il fallait se mettre devant, une règle simple était appliquée, sur votre droite se trouve forcément la zone résidentielle alors que sur votre gauche la ruelle mène obligatoirement vers le centre de la ville. Cette règle a été inspirée d'un verset Coranique oú Dieu a dit: "Les gens de la droite ont pour finalité le Paradis". D'ailleurs aussi le mot "Ghorfa" qui signifie une chambre en arabe est inspiré du Noble Coran oú une Ghorfa est liée au Paradis. À Tlemcen on mettait deux rideaux à l'entrée de chacune: Un léger qui jouait le rôle d'une moustiquaire et l'autre plus épais pour garder la chaleur tout dépend la saison.
Ici
on peu voir une lucarne sur la gauche pour faire passer la lumière
qui
n'existe plus aujourd'hui à cause de l'extension illégale de la maison.
Référez vous aux autres photos couleur pour la comparaison
Pour
l'éclairage public, un comptable (صاحب الحسبة) proposait un éclairage
adapté, économique pour illuminer les ruelles de la Médina. Des lucarnes
dans les Derb mais aussi des lampes à l'huile voire dans lampadaires
par endroit même au niveau "des Sqiffa" (سقيفة) ont été installés. El
Sqiffa est souvent trouvée dans la partie basse de Taghrart, c'est un
passage ouvert et couvert qui émerge à partir d'une habitation dans le
but d'optimiser l'espace et améliorer l'oxygénation, de plus lorsqu'elle
est arquée ceci signifie que c'est un passage privé comme l'indique les
photos jointes.
Ici on peut voir sur la gauche où la lampe à huile a été placée
pour éclairer l'entrée de Derb Sensla quand il fait noir.
Pour
les portes à Tlemcen, souvent étaient formées de deux parties, une
battante et l'autre fixe et munies de deux heurtoirs, un placé plus haut
que l'autre. Un explication a été proposée pour déchiffrer ce symbole,
le plus haut était destiné aux visiteurs montés (cheval, âne...) alors
que celui du bas pour les piétons. Mais on peut vite se rendre compte
que cette explication n'est pas valable pour les portes qui se trouvent
au niveau "des Sqiffa" car en traversant le visiteur est obligé de
descendre de sa bête. L'autre explication est tout autre, nous savons
que les quartiers de Tlemcen étaient sécuritaires, ainsi les portes
d'entrée demeuraient toujours ouvertes, alors si le visiteur était une
femme ou des enfants, ils devaient utiliser le heurtoir de la partie
battante. Cependant s'il s'agissait d'un homme, lui était obligé
d'utiliser le heurtoir de la partie fixe. Le propriétaire savait faire
la différence entre les deux sons émis pour qu'il se prépare à
accueillir le visiteur. Et finalement la largeur des Derb et la
localisation des entrées des maisons obéissaient à une tradition
musulmane. Leur disposition avait pour but de favoriser et de consolider
le lien sacré du voisinage et des relations familiales selon les
recommandations du prophète de l'islam (PSL).Texte et images inspirés d'un article de Mr Kossay Zaoui.
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