mercredi 26 juin 2013

La flore de la grande Mosquée de Tlemcen

La flore tient une place considérable à la grande Mosquée de Tlemcen. Elle est d'une verve fougueuse et drue. Elle v'a cependant point les foisonnements de Cordoue dont elle s'inspire visiblement. Son alphabet se réduit, en somme, à une lettre: l'acanthe simplifiée, souvent présentée de profil et tendant déjà à s'ossifier dans la sèche abstraction d'un triangle.
La nervure est encore gonflée de vie;elle va se faire plus molle; la palme devient lisse et s'affranchit du détail patient qui pourtant l'individualise, pour devenir une vague généralité. Ainsi elle traduira plus tard le mouvement unitaire de l'esprit almohade. Quant à la tige, elle n'a plus cette rainure médiane, héritée des techniques byzantino­chrétiennes, que l'on pouvait encore voir au minbar d'Alger.
L'élément géométrique est hésitant. A Tlemcen, comme partout ailleurs, en débutant dans la carrière décorative, il s'exerce d'abord timidement aux grilles, aux panneaux ajourés, aux claustra. Puis, il s'enhardit: des étoiles à huit pointes rayonnent déjà sur l'encadrement du Mihrab : ailleurs, polygones curvilignes à six pointes.
Enfin, le minaret quadrangulaire de 35 mètres, qui domine Tlemcen : vieux pasteur, troupeau moutonnant et serré de maisons...
La grande Mosquée de Tlemcen est peut-être un recul sur l'art espagnol contemporain. Elle constitue, pour l'Algérie, un immense progrès. Par les innovations et l'audace de son décor, le lyrisme de ses arabesques, par ses coupoles, ses stalactites, ses essais de géométrie élégante, elle garde dans l'anthologie des œuvres almoravides une valeur de premier plan.
En somme, l'art almoravide algérien élargit l'utilisation des systèmes d'arcs. Il prépare un chapiteau dont les hérédités corinthiennes s'allègent. Ses ébauches de stalactites et de géométrie ornementale, la générosité de son décor floral, lui donnent une haute valeur d'initiative. Il se, relie étroitement à l'Espagne voisine. L'objection d'influences orientales directes, tirée d'éléments d'apparence asiatique. est loin d'être décisive. Au surplus, on n'irrite que ce que l'on crée. Seule est admirée l'œuvre qui, du dehors, vient se superposer au dessin intérieur de la mémoire. Reproduire une sculpture, un tableau, c'est les tirer de l'inconscient. " On n'assimile bien que ce que l'on a soi-même presque inventé ".
Source : CAHIERS DU CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE

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